Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Derya : Salut Nicolas, je m'appelle Derya Uzun, je suis ingénieur du son depuis à peu près 25 ans, date à laquelle j'ai commencé professionnellement à gagner ma vie avec ce métier. Ma principale activité est totalement dédiée à la sonorisation de concert au poste d’ingénieur du son façade (FOH). Je travaille également en studio, que j’ai découvert un peu plus tard et qui est un domaine qui m’intéresse et me plaît également énormément.
Crédit Photo : Axel Pixelle
Comment as-tu commencé dans le son ?
Derya :Je suis tombé dans le son live assez naturellement. A 17 ans, commençant à réellement chercher ce à quoi j’aspirais professionnellement pendant mes années de lycée,je décide bille en tête de vouloir devenir ingénieur du son. Cela venait de ma passion pour la musique, pour le son, et d’un entourage de musiciens que je côtoyais quotidiennement. Déjà à l’époque, ce qui était ma priorité, c’était le live. Pourquoi? peut être parce que c’était à l’époque ce qui était le plus proche de moi. L’environnement des studios m’était totalement inconnu à l’inverse. Lorsque j’ai pris cette décision, tout d’un coup, cette envie ne m’a plus jamais quittée jusqu’à ce qu’elle soit réalisée. Je ne savais pas si j’y parviendrais mais la passion m’a guidée et j’ai tout fait pour que cela devienne une réalité.
A 18 ans, je passais beaucoup de temps et soirées avec trois amis qui étaient musiciens. Deux d’entre eux vont prendre la décision de créer un groupe dont ils seraient la rythmique, tout en cherchant d’autres membres.Ce groupe, c’était Ez3kiel, dont le parcours par la suite a été assez incroyable! Ils se sont par la suite entourés d’un guitariste et d’une chanteuse. J’étais avec eux et assistais aux toutes premières répétitions. On ne savait vraiment pas où on allait, sans moyen mais on était passionnés. De mon côté, je n’avais pas pour ambition de devenir musicien, c’était le son qui me passionnait. J'ai commencé en proposant d'enregistrer les premières répétitions, c’était sur un magnéto à cassette 4 pistes… Le groupe était à la recherche des premiers concerts et lorsque les opportunités ont commencé à arriver, ils m’ont proposé de les accompagner pour faire le son. Je n’y connaissais rien à l’époque mais je me suis lancé !
Ensuite, j'ai voulu approfondir mes connaissances, j’avais pas mal d’ambition et de rêves dans ce métier, c’était devenu une passion qui ne me quittait jamais. Après pas mal de recherches, car peu de formations sérieuses existaient à l’époque, je suis parti étudier en Belgique pendant près de 4 ans à l'Insas (Institut National des Arts du Spectacle). J'y ai exploré tous les aspects du son, de la musique, en passant par la radio, le théâtre, jusqu’au cinéma. J'ai terminé ces études en écrivant un mémoire sur les systèmes de diffusion. C’était une période de transition passionnante durant laquelle on amorçait la transition entre l’analogique et le numérique ainsi que l'évolution des systèmes de diffusion vers ce que l’on allait appeler les line array avec l’arrivée du V-Dosc de chez L-Acoustics.
Quel a été ton premier Job ?
Après avoir terminé mes études à l'Insas à la fin des années 90, j’ai d'abord travaillé dans une salle à Paris appelée "Le Réservoir", dans laquelle j'ai eu l'opportunité de travailler sur divers événements, comme des concerts et des émissions de TV, j’y ai beaucoup appris.Pendant mes études, je travaillais également le soir dans un club de jazz très connu à Bruxelles “Le Travers”puis en fin de dernière année, j’avais effectué un stage chez Dispatch, où j'ai été impliqué dans la préparation de festivals et j'ai adoré l'expérience et la philosophie de cette entreprise, donc j'ai cherché à y revenir après mes études. L’équipe était complète mais c’est Marc de Fouquières qui m’avait donné l’opportunité de travailler au Réservoir… Et à force d’insister, le jour où une place s’est libérée, j’ai été embauché dans l’équipe Dispatch! C’était exactement ce que je souhaitais afin d’avoir l’opportunité de rencontrer les meilleurs ingénieurs du son du moment et des équipes sérieuses.
Tes premières rencontres humaines dans ce milieu ?
Le duo Marc de Fouquières et Laurent Delenclos, alias Bellote, m'a vraiment marqué chez Dispatch, ainsi que la rencontre avec Eric Alvergnat. En observant et en aidant les ingénieurs du son à préparer leur matériel de tournées, je me suis fait remarquer et j'ai fini par effectuer mes premières sorties sur le terrain à leur côté. J’apprenais et c’était l’essentiel !
Je voulais avoir une compétence totale, que ce soit pour gérer un show à Bercy ou dans un petit club. Je voulais tout apprendre à partir de zéro, sans influences externes, pour maîtriser toutes les compétences nécessaires. Dispatch regroupait des personnes très expertes dans leur domaine, chacune de parcours extrêmement différents. C’était parfait. Par la suite, mon intérêt et mes compétences pour les systèmes de diffusion m'ont conduit à progresser encore.
Au départ, Laurent et moi étions appelés pour des missions ponctuelles, notamment pour installer de nouveaux systèmes. Peu de personnes maîtrisaient ces technologies à l'époque, ce qui nous a valu d'être sollicités pour des tournées. C'est ainsi que j'ai débuté en tant qu'ingénieur système, un rôle nouveau à l'époque. Nous étions à même de répondre aux différentes évolutions technologiques et à comprendre l'importance des compétences spécialisées dans ces domaines. Par la suite ce sont lesrencontres avec de multiples ingénieurs du son qui m’ont beaucoup apportés comme Patrice Cramer, Yves Jaget, Andy Scott, Philippe Parmentier, Christophe Gobley, Olivier Lude, Bob Coke, Dave Rat… ainsi que Philippe Zdar et Renaud Létang côté studio.
Tes premières tournées ?
Ma première expérience en tournée c'était sur la tournée deClaude Nougaro, avec Laurent Delenclos et Christophe Gobley. Travailler avec des musiciens et un artiste aussi fantastique était incroyable, et j'ai beaucoup appris sur cette tournée. Par la suite, j’ai également mixé son dernier spectacle où il se mettait en scène de manière plus théâtrale pour chanter ses chansons.
Ensuite, j’ai assisté Patrice Cramer pour la tournée deLara Fabian, une expérience très enrichissante malgré de nombreux défis que Patrice me demandait chaque jour. Mais il fait partie, aujourd’hui encore, de ceux qui m’ont le plus appris. Il était très exigeant et on s’est parfaitement entendus tous les deux à ce sujet.
Puis j’ai enchaîné avecNoir Désir, aux côtés de Bob Coke sur leur dernière tournée “Des Visages des Figures”. Un véritable choc que cela se soit arrêté comme ça.
Ensuite, j’ai eu l’opportunité de partir en tournée européenne avec lesRed Hot Chili Peppers. Je me souviens de la première date de cette tournée. Lorsque “Give it Away” a commencé, j’étais totalement absorbé par le show comme un simple spectateur, c’était un grand souvenir pour moi et une expérience très forte!
Puis j’ai enchainé avec la tournée“Qui de nous deux” de -M-au côté d’Olivier Lude. Je me souviens de l’engouement qu’on sentait de plus en plus présent au fur et à mesure des dates effectuées pour enchainer avec les trois premiers Bercy de -M-. C’était une tournée fantastique avec un artiste incroyable! Toutes ces expériences m'ont permis de rencontrer des professionnels de haut niveau et de relever de nombreux défis.
D’autres tournées se sont enchainées également dans le désordre à cette période comme celle deFlorent Pagny au côté de Dominique Terrade ou encore Calogero avec Stéphane Plisson... Je ne peux pas toutes les citer, la liste serait trop longue…
En 2005, on m'a proposé de devenir l’ingénieur du son d’Arthur H, et j'ai choisi de mettre de côté mon rôle d'ingénieur système pour me concentrer pleinement sur le mixage. Bien que j'ai parfois repris ce rôle de manière ponctuelle, je voulais explorer complètement cette facette du métier et continuer à développer mes compétences en ce sens. J'ai décliné des propositions de tournées à cette époque, même avec des artistes majeurs pour rester focus sur mon objectif.
C'était un point de bascule où j'ai décidé de ne pas osciller entre les deux rôles et de me concentrer sur le mixage. J’ai par la suite travaillé 15 ans avec Arthur H dont l’écoute et l’expérience m’ont énormément enrichi tout au long de ces années passées ensemble. S’en est également suivi les tournées de Micky Green, Cassius, Thomas Dutronc, Yodélice, Jain, Eddy de Pretto, Emma Peters, Noé Preszow, etc …
Tes premiers enseignements ?
Les échanges avec d'autres ingénieurs du son ont été très enrichissants pour moi.Chacun avait sa propre approche, ce qui peut être déroutant car il n'y a pas de règles fixes dans ce domaine. On peut apprendre beaucoup de théories et de pratiques, mais chaque situation est unique. Il faut expérimenter pour trouver ce qui fonctionne le mieux et savoir prendre des risques.
Internet regorge d'informations aujourd’hui mais il est crucial de savoir les filtrer et de se concentrer sur ce qui est pertinent. Pour moi, l'expérimentation est essentielle pour progresser dans tous les aspects de ce métier. Certes, il y a des bases très solides à connaître, mais l'expérience et l'adaptation sont primordiales.
D’autre part, le dialogue avec les artistes afin de transmettre parfaitement leur musique au public est je pense un aspect tout aussi important. Chaque artiste avec lequel j’ai travaillé m’a toujours amené à aller encore plus loin dans mon métier et à enrichir ma manière de travailler. J’apprends toujours énormément à leur côté et je ne les remercierai jamais assez pour ça.
Quels points clés as-tu identifiés très vite en travaillant sur des tournées de plus grandes ampleurs ?
Passer à des événements plus importants en termes de logistique et de jauges public demande une adaptation à des environnements différents et à une puissance sonore très différente.Mixer dans un club de 500 personnes n'est pas comparable à un Zénith ou à de gros festivals. Cette transition est complexe. Comprendre les systèmes est une première grande étape, car être un bon mixeur ne suffit pas parfois face à des changements aussi importants. Il faut du temps pour s'adapter à ces nouveaux environnements, un luxe qu'on n'a pas toujours.De la même manière savoir adapter son mix par rapport à l’acoustique d’un grand volume ou ou d'un petitest totalement différent dans l’approche.
Quelle a été ta première expérience marquante à la face ?
Lors de l'un d’un de mes premiers grands concerts, au festival d'Orange,nous avions ouvert pour Noir Désir à la fin des années 90 avec Ez3kiel. C'était un changement radical par rapport à nos débuts dans les clubs, devant 150 à 200 personnes au maximum. Jouer devant environ 10.000 personnes était une expérience extrêmement impressionnante pour moi, une première dans une telle situation. Dès le début, ma principale préoccupation était de savoir comment je pourrais gérer la situation [rire].Pendant la balance, j'ai observé attentivement Bob Coke, qui mixait Noir Désir à l'époque. J'étais fasciné par son travail et plein d'admiration.
Quand j'ai pris sa place pour faire notre balance,j'ai ouvert le kick et j'ai ressenti la puissance en face. C'est à ce moment-là que j'ai compris l'importance de maîtriser la situation. J'étais clairement dans un autre monde, et comprendre cet environnement était crucial pour moi ! Aujourd’hui je peux à présent me retrouver dans des festivals à plus de 50 000 personnes et me sentir parfaitement bien avec cette ergonomie.Plus récemment j’ai encore le souvenir d’un concert sur la grande scène du Festival Sziget avec JAIN où on avait joué après Ed Sheeran devant près de 80000 personnes. C’était complètement dingue!Un grand moment! Et mixer sur ce genre de système reste pour moi très excitant. J’adore les festivals pour cela.
Ta première expérience de concert en spectateur ?
Mon premier concert m'a vraiment marqué.J'avais 12 ans et c'était celui de Michael Jackson au Parc des Princes. C'était totalement par hasard, un ami m'avait proposé d'y aller. À l'époque, je ne connaissais pas vraiment les concerts, mais dès qu'il a mentionné Michael Jackson, j'ai accepté. L'expérience a été incroyable, l'énergie était folle. Cela a sûrement dû m’influencer quant à mes choix futurs
As-tu un kit micro de base que tu utilises en premier choix ?
Bien que certains micros soient des standards pour les ingénieurs du son depuis des décennies, je cherche toujours à explorer de nouvelles options et je reste attentif aux avancées technologiques.Lors d'une tournée solo avec Arthur H en 2010 par exemple, sonoriser son piano à queue s’était révélé complexe, particulièrement avec un artiste qui aime expérimenter en live.
Pour te donner un exemple, je cherchais à retranscrire au mieux le son du piano tout en respectant la vision artistique d'Arthur. Le piano pouvait être préparé avec pas mal d’accessoires et je devais à certains moment m’écarter totalement d’un son de piano classique pour travailler avec beaucoup d’effets.
J’ai testé des références comme le C414 (AKG), les KM184 (Neumann), etc. mais je n'étais pas pleinement satisfait. Etj'ai découvert les DPA 4021 et les DPA 4099récemment lancés à l’époque, et après les avoir essayés, j'ai été convaincu par le son des DPA 4021 pour ce projet. Je les ai donc tout simplement intégrés à mon setup.
Mon job était de m'adapter au toucher d'Arthur et aux conditions de ce spectacle, comme le type de piano, le fait que je devais mixer avec beaucoup d’effets pour certains morceaux, le positionnement des retours, etc. Au fil de la tournée, j'ai affiné ma technique pour garantir une qualité sonore constante et respecter la vision artistique d'Arthur, que ce soit en plein air ou en salle. Donc même si j’ai des micros que j’affectionne particulièrement, je reste toujours ouvert car les défis sont souvent différents d’un projet à l’autre. Sur une autre tournée beaucoup plus électro avec Aufgang ou 2 pianos à queue étaient présents sur scène ainsi qu’une batterie complète et des séquences électro, les deux pianos étaient principalement repris avec des SM57 ou SM58, avec l’addition de capteur électret AKG. Comme tu le vois, tout dépend du contexte…
Comment choisis-tu tes micros pour un nouveau show ?
Quand je travaille avec des artistes en résidence, le choix des micros est une étape très importante pour moi. Je préfère souvent aborder cette décision de manière ouverte, en restant relativement neutre dans mes réflexions. Même avec mon expérience, je cherche toujours à explorer de nouvelles options, sauf si je travaille avec un artiste que je connais très bien et dont les préférences sont déjà identifiées et même dans ces conditions, je suis toujours ouvert à plusieurs essais.
Je demande donc systématiquement toute une palette de microphones ou DI que je connais ou paset je les essaie au fur à mesure que les morceaux se construisent et prennent forme lors de la résidence afin de faire les meilleurs choix en termes de son et par rapport aux différentes contraintes ou compromis que peut demander le show.
Pour la voix des artistes par exemple, je prends un soin tout particulier bien sûr car c’est l’élément central et il est important que ce micro soit vraiment adapté à sa voix et me permette de trouver sa place aisément dans le mix.
Pour les musiciens, je m'intéresse à l'environnement global sur scène, au style musical et à leur set up. Durant les répétitions, j'observe attentivement leur jeu, leur set up et j'écoute avant de prendre des décisions. Je dialogue avec les artistes pour comprendre leurs besoins et attentes vis-à-vis du projet. En fin de compte, le choix des micros découle de ces échanges et de mes observations pendant les répétitions. Mon objectif est toujours de mettre en valeur la performance artistique tout en garantissant la meilleure qualité sonore. Lorsque je rencontre un problème, je cherche la solution, sans préjugés, ce qui peut parfois amener à des choix auquel on n’aurait pas pensé au départ. J'explore plusieurs options pour répondre aux exigences du cahier des charges, que ce soit pour les retours ou le mixage façade. C'est une approche globale que j'adopte systématiquement.
Comment as-tu rencontré DPA ?
Mes premières expériences ont été effectuées avec les 4006 de B&K lors de mes années d'études. Ils étaient alors parmi les omnidirectionnels les plus estimés, et cette réputation perdure encore aujourd'hui. J'ai retrouvé ces micros aussi bien en studio que dans les systèmes de mesure par la suite.
La première rencontre avec DPA s’est faite avec les 4099 et les DPA 4021, et j’ai très bien compris l’affiliation. Le respect du timbre de l’instrument était présent avec une volonté d’être le plus fidèle possible, donc je n’étais pas du tout surpris avec ces micros, je m’attendais à ce résultat.
Tu as pu essayer le 4055 plus tard, est-ce que pour toi, ce micro comble un besoin pour la grosse caisse ? Et l'as-tu abordé comme un micro que tu as juste essayé ou comme une nouvelle option intéressante ?
Le micro DPA 40455 dédié à la grosse caisse a immédiatement attiré mon attention. Que ce soit en studio ou en live, cette source est complexe à traiter et demande souvent plusieurs micros pour obtenir le son recherché. J'ai essayé de nombreux micros disponibles sur le marché, et parfois même des modèles non spécifiquement conçus pour cette utilisation, ce qui parfois peut réserver de belles surprises. J'ai décidé de l'essayer tout de suite et je n'ai pas été déçu, il comble un manque dans les micros grosses caisses et la promesse du son DPA est tenue donc je l’ai aujourd’hui totalement adopté et je l’utilise sur beaucoup de mes tournées!
As-tu remarqué des détails sonores particuliers par rapport à d'autres micros ?
C'est essentiellement le respect du timbre et de la prise de son, ce qui permet d'obtenir une restitution sonore la plus naturelle possible. Quand je pense à DPA, c'est cette capacité à préserver l'essence même de la source sonore qui me vient en tête et qui fait la force de cette marque. Choisir un micro pour la grosse caisse a toujours été un compromis pour moi, car la plupart imposent certaines préaccentuations d’égalisation qui peuvent parfois aider mais qui n’est pas du tout neutre et t’impose un son dont il est rare de pouvoir s’écarter.
Mais là, j'ai été bluffé par la reproduction des basses fréquences et la capacité de réjection du micro ainsi que sa dynamique, des qualités très pertinentes pour cette source en particulier. Cela signifie que je peux commencer à produire avec une base solide, sans avoir à passer du temps à corriger les défauts ou manques du micro. Cela me permet d'explorer de nouvelles directions sonores plus facilement, en me concentrant sur la créativité plutôt que sur la correction de certains défauts. Ce qui m'a également intéressé dans le modèle 4055, c'est la possibilité d'expérimenter avec le placement du micro. C'est une étape essentielle avant d'aller travailler sur la console. Il était important pour moi de prendre le temps d'explorer différents placements pour voir comment le micro réagissait dans chaque situation.
Lors de mes premiers essais, je n'ai pas cherché à reproduire mes expériences précédentes. J'ai simplement testé différentes positions pour voir comment le micro se comportait. Avec un micro aussi précis, la position est cruciale. Même de petits ajustements peuvent avoir un impact significatif sur le son. Lors de la tournée d’Eddy De Pretto, j'ai utilisé le 4055 dans un contexte hybride avec des sources sonores électroniques et acoustiques. Ce micro s'est révélé très efficace pour maintenir une cohérence sonore entre les deux. J'ai pu testé le micro lors de la période des festivals, ce qui n’est jamais simple comme contexte. J'ai adoré le son et voilà pourquoi je l'ai de nouveau choisi pour la tournée actuelle de Jain.
Comment as-tu conçu le patch batterie de la tournée de Jain ?
Lors de la résidence pour préparer la tournée, j'ai testé de nombreux micros et en prenant les choses petit à petit, étant donné la complexité du spectacle. Au fil des répétitions, j'ai affiné le son de batterie que je voulais obtenir. D'abord d'un point de vue technique, j'ai comparé les nouveaux micros à ceux que j'avais utilisés auparavant. Puis, j'ai commencé à réfléchir à comment ces micros pourraient m'aider à atteindre le son que j'avais en tête. J’ai choisi les DPA 2015 en Overheads car j'ai remarqué qu’ils offraient les avantages des micros omnidirectionnels en terme de réponse tout en ayant une réjection efficace. Leur performance était évidente lors des répétitions dans des environnements acoustiquement difficiles. Je les ai adoptés dès la résidence. J’ai des 2012 sur les cymbales en appoint et des 4099 sur les toms pour leur directivité. Sur la caisse claire, nous ne cherchions pas la transparence du tout, la configuration étant très particulière, nous avons fait le choix de partir plutôt sur un micro dynamique.
Dans le processus de création du show, quelle part prends-tu pour ajuster la source au maximum et trouver un consensus entre le ressenti des musiciens et ton travail en façade ?
Dès les premières répétitions, j'adopte une approche avec ou sans micros ou en utilisant ceux disponibles dans le studio et en passant du temps à écouter attentivement les musiciens. Je reste ouvert aux changements car ils peuvent toujours apporter des surprises. Les premiers jours de répétition sont une phase de découverte où nous testons divers éléments pour établir le setup final. Les échanges entre l’équipe artistique, l’équipe des retours et moi même sont nombreux. Chacun apporte son avis et nous cherchons ensemble à trouver les meilleures solutions.
La musique est au cœur de notre démarche. Si quelque chose ne va pas, nous le modifions avec les musiciens pour que le son soit en phase avec notre vision artistique. En live, chaque jour est unique, chaque lieu également. Travailler ensemble est crucial pour s'adapter rapidement à tous ces changements. Si nous sommes tous sur la même longueur d'onde dès le début, nous pouvons résoudre les problèmes plus facilement et garantir une expérience agréable pour le public, à la fois musicalement et techniquement. Je suis avant tout au service de ce qui se passe sur scène, car mon objectif est de transmettre un son cohérent et plaisant au public. Il est essentiel que tous les membres du groupe ressentent la même chose et que nous soyons alignés sur nos objectifs. Parfois, nous devons faire des compromis pour résoudre certaines choses spécifiques, cela demande un dialogue constant et une compréhension mutuelle des enjeux sonores et artistiques.
Quel est ton set up actuel en régie ?
J'utilise une surface Avid S6L32D depuis plusieurs années.
Si j'en suis arrivé là, c'est parce que je cherchais vraiment une surface de contrôle qui me permette de travailler le son avec un minimum de périphériques, tout en intégrant énormément de fonctionnalités dans la console avec un son optimum. C'était le cas chez Avid, avec la puissance des plug-ins développés spécifiquement pour la surface et tous les traitements accessibles ainsi qu’une automation des plus efficaces.
J’ai également un extrême Soundgrid server Waves. Les plugins sont devenus incontournables, notamment ceux proposés par Waves, qui offrent une polyvalence remarquable.
En hardware, J'ai deux Bricasti M7 et un H3000 (Eventide) pour les voix car je n’ai pas trouvé de plug in qui fasse la même chose pour le moment (Rire) .
Sur mon master en fin de chaine, j’insère un compresseur SSL BUS + avec un Master Bus Processor Neve à la suite, le tout se termine avec un convertisseur CraneSong HEDD 192, que j'utilise avec parcimonie comme simulateur de tape et générateur d’harmonique. Je maintiens un traitement global assez léger sur le Master, privilégiant la dynamique et la richesse du spectre sonore. L’ensemble de cette chaine me permet également de retrouver le côté organique du son analogique que j’affectionne tout particulièrement.
As-tu un livre qui t’a marqué dans ta carrière et le mot de la fin ?
Il y a eu quelques livres, notamment 2 parmis beaucoup de littérature anglaise que je possède. Behind the Glass écrit par Howard Massey et le livre de Bob Mac Carthy Sound System: Design and optimization. Le premier aborde tout ce que l’on peut faire comme expérimentation en studio au niveau du mixage et de l’enregistrement et le deuxième sur l’optimisation des systèmes de diffusions en live.
Pour le mot de la fin, je crois que l'expérience, le plaisir et l'écoute sont essentielles dans ce métier. Il faut également écouter beaucoup de musique. Il n'y a pas de recette universelle, seulement une exploration constante et une adaptation aux besoins de chaque projet afin d’apprendre toujours d’avantage et dans la bonne humeur!
Merci pour ton temps et le partage de ta passion !
Derya : Merci à vous !